Chapeau !

Par Dominique Villiers, Bronzier.

Quand on s’est quitté fin Juin 2017, la future session de l’« Art et la Matière » était prévue pour 2020. Mais chacun sait que cela n’a pas été possible. C’était sans compter sur l’opiniâtreté du comité de pilotage qui au cours de cette année s’est régulièrement « zoomé » pour l’organisation du Grand Atelier 2021.

Cette grande réunion d’artisans d’art et d’artistes s’est donc déroulée du 21 au 26 Juin à Aiguines, à l’école de tournage sur bois Escoulen. Une trentaine de participantes-ants dont deux invités (Alain Maillan, sculpteur-tourneur et les verriers Jean-Charles Miot et Laetitia Andrighetto) ont partagé et mélangé leur créativité et leur savoir-faire. Les circonstances n’ont pas permis d’accueillir les invités étrangers prévus.

Le Grand Atelier est un lieu de rencontres et d’échanges entre tous les participants. Chacun a toute liberté de profiter de la présence de matières ou matériaux différents de ce qu’elle ou il pratique habituellement, avec l’assistance de ceux qui les maitrisent. Cela peut être aussi par le biais des croisements d’élaborer une pièce mettant en œuvre des techniques et des matières peu fréquemment assemblées. Ce grand mélange favorise par son énergie l’expression de la créativité de toutes et tous. 

Le Grand Atelier est une occasion de sortir de son atelier pour aller à la rencontre d’autres univers créatifs et de partager avec d’autres sa sensibilité et son imagination : tout ceci est très stimulant.

Dimanche, dans l’après-midi

La veille, l’équipe de bénévole a commencé à installer des barnums et des tables pour les différents ateliers placés en extérieur (métal, terre, verre). L’école met à disposition l’ensemble de ses locaux et notamment l’atelier de tournage sur bois (15 tours) et l’atelier de texturage et de finitions.

Pour cette session une attention particulière est apportée pour l’installation de Frédéric Guichaoua, laqueur-doreur, expert en vernis, peinture et toujours disponible pour répondre aux multiples demandes de finition des pièces réalisées.

Au cours de cette après-midi, arrivent les participants. Chacun est pris en charge, notamment ceux pour qui c’est la première participation, afin de leur présenter les lieux : leur hébergement, l’atelier où ils pourront déposer leur outillage personnel. Déjà, une joyeuse énergie se dégage de toute cette animation, chacun se croise et se questionne d’où tu viens ? tu fais quoi ? t’es installée-e où ?

Jean-Charles et Laetitia sont parmi les premiers à installer leur matériels, aidés par quelques-uns. Le four de fusion doit être mis en chauffe rapidement pour que le verre soit prêt dès lundi matin.

Chacun a amené avec lui des « choses » stockées dans son atelier (rebuts de production, matériaux récupérés, …) pour alimenter une recyclerie où on se croisera tout au long de la session.

Dans la fin d’après-midi tout le monde se retrouve autour d’un apéritif-repas constitué de produits du terroir ou fait maison pour un grand moment de convivialité. Les échanges se multiplient, les regards s’animent, des complicités se mettent déjà en place.

Au cours de la soirée nous nous retrouvons tous pour une projection de photos présentant des travaux de chacun et d’un rappel sur l’organisation et le déroulement du Grand Atelier (notamment pour l’organisation des repas).

Le sens du Grand Atelier est de favoriser les échanges entre les créateurs pour réaliser des œuvres à plusieurs mains. Cette proposition rend possible toutes sortes de combinaisons de matières et de savoir-faire. Il n’est pas demandé aux participants de « produire » mais de créer dans le plaisir du partage et de la découverte. Les pièces produites ne sont pas attachées à une personne mais aux différents intervenantes-ants ayant contribué à leur réalisation ; cette situation est peu familière aux artisans mais très favorable à la création.

Le processus de collaboration s’enclenche très naturellement dès les premiers échanges entre les artisans. Les discussions autour de ses propres expériences, de ses savoir-faire, des questions que l’on a à propos d’autres matériaux, des assemblages possibles ou non, tout cela stimule l’imagination et l’envie d’essayer, de tester et de voir ce que ça donnera. La démarche pour se lancer dans une création est propre à chacun : certains vont piocher dans la recyclerie, d’autres se mettent à circuler dans les différents ateliers, attentifs aux travaux qui s’y exécutent … cela peut être aussi de demander à un tourneur sur bois de tourner une pièce sous son assistance, qui sera la première étape d’une œuvre.

Dès le petit déjeuner de cette première journée se fait sentir cette envie de se lancer dans un projet de création, de découvrir une nouvelle technique ou de travailler sur une matière qui attire. Et dès que les projets de réalisation s’amorcent, il n’y a plus de retenue pour le partage des savoir-faire et des connaissances : tout se concentre sur le plaisir d’élaborer ensemble.

Les meuleuses se mettent à tourner, on entend le crépitement du poste à souder, accompagné d’éclairs, de coups de marteau sur l’enclume. 

Le bruit strident des outils de Benoit Averly penché sur une pièce de bois couvre le ronflement des fours des verriers.

Jean-Charles et Thibault, Léna et Laetitia sont à l’œuvre pour répondre aux demandes des autres participants qui non seulement sont fascinés par leurs gestes maitrisés, et aussi heureux de pouvoir concevoir une forme qui sera réalisée sous leurs yeux.

Telle Isabelle qui après avoir travaillé sur des plaques de fer qu’elle a ajourées, soudées et entourées d’une fine tôle, souhaite faire souffler du verre à l’intérieure de sa structure. Puis retirant la tôle qui a empêché le gonflement du verre dans les parties ajourées, découvre à ces incrustations un effet « vitrail » inattendu.

Deuxième jour du Grand Atelier. Des échanges commencent à aboutir. On peut voir sur des établis, entre les mains de certaines-ains, des parties de pièces de différentes matières. On les posent côte-à-côte, on les superposent, on envisage un élément supplémentaire ….en verre , en terre, en fer ?

Telle partie qu’on imagine existe peut-être déjà dans la recyclerie. Oui, mais pas tout à fait comme on l’avait vue, mais en s’adaptant ça pourra s’intégrer au projet. Et même mieux, l’assemblage sera plus simple à réaliser.

Les sollicitations sont permanentes. S’arrêter un moment pour se laisser absorber par les gestes des autres :  les verriers cueillant le verre fondu dans leur four, les tourneurs sur bois devant leur pièce tournant à grande vitesse et faisant jaillir des copeaux, ou encore la dextérité avec laquelle Géraldine Arbore manipule ces feuilles d’or plus légère que l’air.

La découverte des autres, à travers leurs techniques, leurs gestes, les matières et les outils utilisés stimule l’envie de créer. Les discussions s’animent.  Le partage et la mise en commun des savoir-faire facilite l’innovation.

Ainsi va se dérouler le Grand Atelier au fil des 5 jours de création et d’échanges entre la trentaine de participants dans une atmosphère vibrante et sereine. 150 œuvres seront élaborées mettant en évidence la richesse des partages de connaissance. L’improbable a été réalisé, l’adaptation à l’inattendu a rendu possible la concrétisation des défis tout au long de cette session.

Point final de ce Grand Atelier, la préparation de la vente aux enchères. Tout le monde participe à la mise en place des œuvres pour une exposition au cours de laquelle les acheteurs pourront les approcher et faire leurs choix. Les œuvres se dispersent petit à petit au gré des acquisitions. Chacun se prépare au retour. Le moment du départ est émouvant. L’envie de continuer à travailler ensemble est profonde ainsi que de revenir à Aiguines pour le prochain Grand Atelier.



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